Mais aussi à visage découvert …

 

Le docteur Derny, une vraie doctoresse, une spécialiste même puisqu’elle est gynécologue, est née le 8 juin. Il y a quelques années, ou plutôt quelques dizaines, parce que pour les filles on ne dit pas vraiment l’âge.

Le docteur Derny a de nombreuses passions dans la vie, en dehors de son beau métier.Ses fils pour commencer, Tristan et François sont les deux boulettes de son coeur. Depuis le deuxième volume du Goût des Belges, elle les nomme « midgets », pour comprendre, il vous faudra le lire.

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Anderlecht-Contact

Publié dans Anderlecht – Contact de février 2010

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Episode 45 : « Los Romanticos »

 Los Romanticos 

C’est assez hallucinant mais en quelques jours, même s’ils furent très longs, je n’ai pas pris une ride.

Pendant ce temps-là, les mentons de Millesoupirs se prirent pour des Matriochkas, se cachant les uns derrière les autres et rendant la bête au poil d’ours encore plus attachante bien que plus que jamais attachée aux actions secrètes sans lesquelles il ne serait qu’un méprisable amas de cellules dérivant sans résistance vers le côté obscur de la force.

Pendant ce temps-là, Ana Mirena, ma magnifique supérieure erratique se perdit et se retrouva dans tant de bases dissimulées aux 53 coins de la planète que notre Arturo Vidol, ayant renoncé à tout espoir de la revoir, décréta le couvre-chef dès la nuit chutée et l’état de siège, mode des pieds, afin de pouvoir retomber dessus au plus vite si, par miracle, elle nous revenait.

Pendant ce temps-là, nos deux dernières recrues, je n’oserais parler de nouvelles car l’un comme l’autre avait fait leur temps, s’échinèrent à se mettre un peu de plomb dans la cervelle comme je leur avais ordonné. Le gagnant fut Ash Pévée. Ed le Naze, heureusement pour la répudiation de compétence de notre service, n’en rejoignit pas pour autant les sœurs Michemolle. En effet, ses multiples traitements par électrochocs avaient creusé ce qui lui servait d’intermittence grise d’un tel lacis de galeries que le plomb mis dans la cervelle perdait toute vitesse avant l’impact, au point de ressortir au petit bonheur la chance par une oreille ou une narine. En l’absence de Mirena comme de résultats, je fus réduite à me séparer de cet énergumène miné. Par la même occasion, je perdis toute velléité d’apprentissage vis-à-vis d’Ash Pévée me contentant d’user de sa petite taille dans les missions de peu d’envergure.

Pendant ce temps-là, consécutivement au pardon de toutes les fautes de La Fraude et sous le coup d’une passion décuplée, l’arrondissement de 53bis dépassa et de loin celui de Bernard-Henri Vély, plus communément appelé BHV, sorte de grenouille qui gonfle et rumine (en patois) aussi fort que le bœuf. 

Pendant ce temps-là, profitant d’un relâchement de ma surveillance corporelle, Axo, ragaillardi par mes soins tout particuliers, s’envola vers d’autres cieux me laissant  une dédicace en forme de cœur, habilement cachée à la page des Midgets dans mon missel de cuisine. Il me semble que, depuis, j’ai perdu la foi. Entre autres choses, hélas.

Pendant ce temps-là et alors que partout autour de moi, le monde vieillissait, n’en finissant pas de tourner, que les espions tombaient en disgrâce ou au champ d’honneur, que d’autres les remplaçaient au même rythme que je remplissais mon barillet encore fumant de balles neuves, pendant ce temps-là, pourtant fort long, je ne pris même pas une ride. Mon visage, une fois l’équitation définitive réalisée chaque semaine et les onguents appliqués quotidiennement, restait aussi lisse et pur que mon âme.

Ce soir-là fut enfin celui du travail pour 53bis. Pour la remettre en selle aussi légèrement que possible, je choisis un endroit discret où se mêlaient aux danseurs élégants, d’affreux trafiquants de habanos. Les démasquer ne serait qu’un jeu d’enfant car ils arboraient un tatouage du che (gué va rat) entre le nombril et le haut des cuisses.

C’était sans compter la pussilanimité de la petite qui, alors que nous n’en étions qu’en phase de reconnaissance, se mit en devoir de perdre les eaux et les pédales. Bien vite, quelques danseurs musclés, le cigare aux lèvres et la sueur au front, l’installèrent sur le comptoir. Quelques mojitos, un pour elle et cinq pour moi, m’aidèrent  à mener à bien la laborieuse entreprise. Il ne fallut que quatre heures (qu’elle mit à profit pour se plaindre) pour que naisse enfin la relève tant attendue. Transportés d’émotion, les autochtones se lancèrent dans des pas de mambo si compliqués qu’ils me permirent d’apercevoir le faciès tatoué de leur leader spiritueux. Abandonnant la mère sur son lit de menthe, je sortis de mon La Perla deux pinces de  kocher pour clamper le cordon de la merveille vagissante et mon fidèle ami à six coups. Tenant en joue la pègre, je déposai le fruit de ses entrailles sur le ventre de 53bis et me hâtai d’attacher les pseudo-révolutionnaires aux piliers de comptoir les plus proches.

Ah, HA !, c’est beau la vie. Si ma mère m’avait laissé le choix, peut-être serais-je devenue gynécologue mais gynécologue de l’extrême car pour vivre sans passion autant se retrouver de l’autre côté de larme !

Bons baisers de partout.

Agent 53

Los Romanticos

Quai au bois à brûler 5/7

1000 Bruxelles

Tel : 02 217 6707

 

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Goût des Belges 1

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Episode 44 : « La Brasserie Cantillon »

 

 

La Brasserie Cantillon

 

L’air était vif, ce matin.

Depuis la nuit passée ainsi que celles d’avant.

Tout portait à croire que cela durerait jusqu’à la prochaine qui n’était qu’une autre nuit de février qui fort heureusement n’en comportait que 28 cette fois et non les 53 des années biscornues. L’un dans l’autre, on en avait jusqu’au printemps à peler de la sorte mais j’avais reçu d’un ami fourreur une magnifique veste de cuir d’ortolan doublée du poil de lapin le plus doux qui soit.

Important, dévastateur, sublime, anthologique fut donc mon courroux quand je découvris juste à l’emplacement du sein droit une tache de puissance cinquante-trois sur l’échelle des blanchisseurs. Dès que l’origine de cette infamie serait déterminée et l’honneur de la bête lavé, je ne manquerai pas d’en aviser les autorités incompétentes car comme toute espèce protégée, l’ortolan doit l’être également contre les taches.

 

Ces sombres pensées se prolongèrent tout naturellement par une bordée d’insultes muettes à l’encontre du pavé anderlechtois, agressif et glissant. Et comme les bonnes choses n’ont pas de fin, je trébuchai élégamment dans l’entrée de la brasserie Cantillon. Mais pourquoi autorise-t-on encore le port des portes et l’us des huis dont l’ouverture n’atteint pas le sol surtout quand celui-ci est recouvert de si jolis pavés ?

 

L’antre était désert. Une vague odeur lambiquée flottait dans le silence. Saisie d’une brusque prémonition, et alors que je venais juste de me déplier après mon arrivée dynamique, j’opérai un repli discret, à peine un bourrelet, derrière l’encoignure du mur de droite. Et de brique.

 

J’avais été conviée, du moins ma brillante intelligence qui n’a d’égale que ma redoutable efficacité, en ces lieux pour y résoudre le mystère de la cuve jaune.

Il y avait précisément trois semaines et cinquante-trois jours, une commande de Muscats destinés à s’ébrouer tranquillement dans le Lambic de la future Vigneronne, avait été passée  par le colonel Moutarde depuis la bibliothèque. Les raisins furent réceptionnés la veille par mademoiselle Rose, fidèle secrétaire de la famille Van Roy-Cantillon depuis sa fondation en 1900. Opérée tous les dix ans d’une cataracte vénéneuse, la chère dame avait un flair de douanier et on ne la lui faisait pas. D’un œil et d’un seul, son prochain séjour hospitalier étant programmé dans trois mois, elle renifla la présence de petits losanges bleus dissimulés parmi les grappes. Informée par les rumeurs qui circulaient sous le manteau et même sous le sien, la chère dame eut vite fait de mettre à jour l’honteux trafic de Viagra. Se refusant à conserver la substance pour usage familial bien que le professeur Lenoir ne soit plus aussi vert qu’il le claironnait, elle fit parvenir à nos services un message d’alerte ainsi que deux échantillons attestant de la chose.

 

Il était prévu que Ash Pévée et Ed le Naze m’accompagnent en mission de reconnaissance mais leur conscience professionnelle qui, elle, n’a d’égale que leur sottise, leur ayant dicté de tester la molécule avant de crier au méfait, ils étaient dans l’incapacité de garder la tête froide pour cause de nez bouché.

J’avais hâte de tomber sur un trafic de plomb pour leur en mettre un peu dans la cervelle !

 

Empruntant silencieusement l’escalier menant à l’étage, je fouillai le moindre recoin recherchant un indice derrière chaque tonneau. Mon habile progression me mena ensuite aux cuves et aux caves.

J’eus pu passer par les coves mais le mot n’existant pas, c’est inanimée au pied du grand bac de refroidissement, que je découvre Mademoiselle Rose, ainsi qu’un chandelier ensanglanté jeté négligemment (il s’était tordu sous l’effet de la chute) à ses côtés. Reprenant connaissance sous la caresse de quelques gifles vigoureuses, l’hébétée réussit à me murmurer ces paroles héroïques : « ‘z en faites pas, agent 53, i’ z’ont rien trouvé, tout le stock était caché dans mes d’sous ! On pourra l’faire, le brassin public ! ».

 

Opinant avec véhémence car il ne faut jamais contrarier un malade, je la félicite de sa bravoure et lui promets que pour le brassin public, les trafiquants seront coffrés, le trafic arrêté et le stock de comprimés moins comprimé.

 

Bons baisers de partout.

 

Agent 53.

 

Brasserie Cantillon

Rue Gheude, 56

1070 Anderlecht

Tél : 02 521 49 28

 

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Episode 43 : « Le Chalet de la Forêt »

 

 

Le chalet de la forêt


L’endroit était splendide, majestueux, vaste et décoré avec élégance et sobriété. Un mélange intemporel de belle demeure classique et de disaïgne moderne aux courbes droites et un rien géométriques.

Nous étions en retard car le parking s’était avéré laborieux pour l’agent Millesoupirs, plus habitué à manier le volant de bois que les rennes de cuir.

Dès notre arrivée, un garçon stylisé, façon grande raison, avait refermé dans notre mouillage les battants de la grande salle de séminaire située à l’étage.

La vente pouvait commencer.

La formation en fer à cheval sagement assise derrière bloc-notes et verre d’eau, s’ébroua et les serrures des mallettes claquèrent en rafale dans un ensemble charmant.

Le commissaire repriseur en la personne, un peu molle, de lady Astasis des Grands Droits, requit le silence et la discipline de quelques coups de marteau appliqués sur les doigts des élèves indisciplinés que nous espions.

A l’occasion de cette Biennale du Gadget d’Espionnage, une table illuminée avait été dressée sur une estrade et la grande dame, un peu éventrée par tant d’importance, officiait sous la magie des projecteurs.

Le premier objet mis en vente se révéla d’un prime abord complexe.

Je tentai de me concentrer sur les explications fournies par le catalogue Trois Os (fémur, sternum, tibia), frappé de l’emblème de la Confrérie d’Espionnerie mais les mouvements saccadés que Millesoupirs imprimait à la partie la plus tendre de sa personnalité ne m’aidaient en rien. Le pauvre, c’est vrai, n’était pas familier de la monte et cette rude chevauchée à travers bois lui avait sauvagement endommagé la peau des fesses. Prix sûrement risible par rapport aux sommes astrologiques qui seraient atteintes ce soir.

Après mûre réfraction et aidée par le texte en coréen annoté de la fig 1 et situé sous la fig 1 ressemblant à n’en pas douter à l’objet brandi par la dame, je compris qu’il s’agissait de l’arme fatale numéro 5, mise au point par les Russes dans les années 80. Le speculum galvanisé à impulsions et à immersion lente avait connu son heure de gloire durant la guerre froide, sa résistance aux basses températures lui conférant une place au chaud dans le soviet surplis. En ces temps malheureusement révolus, l’arme fatale délia bien des langues et même les espionnes les mieux entraînées ne pouvaient s’empêcher de crier une litanie de maux sans queue ni tête après seulement quelques tours de vices. Litanie à travers laquelle s’envolèrent souvent les coordonnées des missiles sol-ré ennemis, si faciles à chanter.

La mise à mort venait à peine de commencer à la somme dérisoire de 53 euros quand les doubles portes battirent violemment dans un bruit de tonnerre crotté. Dégoulinants et boueux, nos deux jeunes, entendons dernièrement engagés, recrues venaient de se matérialiser devant nos mines esbaudies. Le plus petit des deux, l’agent Ash Pévée, stoppa net le sifflement qu’il avait entre les lèvres. Je reconnus toutefois les premières mesures de « Nous n’irons plus au bois », ce qui acheva de me fâcher. Renversant avec rage ma chaise, je mis pied à terre et les empoignai tous les deux, Ed le Naze et lui, par le revers de la médaille qu’on ne leur décernerait jamais. Le temps de punir les cow-boys au fond de la classe, les serveurs, profitant de l’ouverture de la porte, nous amenèrent un peu d’espoir et d’air frais. Heureusement ici, le service est parfois un peu raide, celle-là, mais tourne toujours rond et ce ne sont pas deux bouseux à peine descendus de cheval à bascule qui vont agripper la mécanique. Le chaud froid de Saint-Jacques bretonnes au caviar osciètre, crème de châtaignes et belles de Fontenay, n’aurait pas pu mieux tomber pour calmer les humeurs.  A en croire l’information transmise par les papilles de l’assemblée et relayée sous forme de gloussements d’aise, le chef s’y connaissait en matière de raffinement et de saveurs. De quoi en oublier le motif de la réunion. Enfin presque. Décidant de ne pas me porter acquéreuse de l’arme fatale car en ayant mémorisé les moindres contours afin de l’améliorer dans mon labo M, je reportai mon attention sur l’objet suivant. Composé de tubulures multicolores, de miroirs sans thym et d’électrodes, la fig 2 du catalogue s’intitulait « détecteur de menteur ». Ce qui, à mon sens, n’avait que peu d’intérêt car si le détecteur de mensonges permettait de détecter les menteurs, le contraire n’était pas forcément vrai.

Sur ce, et heureusement, car je n’avais dans ma veste de chasse que 53 cents et un billet de vingt version Baudouin premier, survinrent les filets de grosses soles poêlées avec des salsifis caramélisés au bonheur et au vin jaune du Jura. Mais quelle bonne idée, quel bon goût, quel délice, quel régal, bal, chacal, festival, à hanter toutes les nuits sans sommeil de ma vie.

 

J’ai perdu peu à peu le fil de la vente, m’absorbant ensuite pour le bien des finances du bureau, sur le plateau de caprices des lieux et sur mon verre de Château l’Angélus que je n’étais pas prête à échanger contre aucun de ces joujoux, poux, bijoux, genoux, hiboux, atoniques. 

 

Le cheval bien dressé et l’espion bien éméché ont ceci de commun, qu’ils retrouvent toujours le chemin de l’écurie les yeux fermés. On ne sera donc pas trot de deux, voire de huit si on compte les trois quimaimemesuive et leur monture, pour rentrer.

Et c’est tant mieux, car on reviendra ! Et c’est au petit galop qu’on franchira magnifiquement le portail, bail, vantail, soupirail.

 

Bons baisers de partout.

 

Agent 53.

 

 

Le Chalet de la Forêt

Drève de Lorraine, 43

1180 Bruxelles

Tél : 02 374 54 16 02/374.54.16

 

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Episode 42 : « Comocomo »

 

 

Comocomo

 

L’aurait-on cru mais la divine Mirena et le bel Vidol nous manquaient. Même la Fraude, ses hésitations menstruelles et ses trahisons périodiques qui alimentaient les cancans des jours de pluie à ne pas mettre un espion dehors, se faisait regretter.
Mais ça c’était hier.
Au temps où nous étions jeunes et cons. Aujourd’hui, nous sommes vieux et fous. Et responsables d’une 53 bis, qui depuis son enlèvement, n’est plus que l’ombre d’elle-même, un bon cinquante-trois centimètres au garrot les matins de soleil contre seulement quarante, les épaules basses et l’horizon à hauteur de caniveau quand elle a oublié son anti-dépresseur.

Voilà maintenant trois mois que nous étions livrés à nous-mêmes. Ana et Arturo ayant joint leur destin dans une périlleuse et longue mission pour laquelle nous avions reçu ordre de ne pas nous emmêler. Chose j’évitais avec beaucoup de jugeotte, car l’emmêlement avec un ours mettait toujours plein de poils sur ma jupe et je détestais ça !
Il n’y avait plus rien à comprendre, rien à chercher, rien à trouver, rien que nous au monde.
Et puisqu’il n’y avait que nous, rien que nous au monde, il était temps de recruter.
L’affaire fut donc menée, la sélection se faisant sur base de petites annonces et des mensurations des candidats.
Au terme de cette première opération, nous avions réséqué tous les organes malades et conservé deux postulants au physique attrayant.
Le premier, Ash Pévée, était à la hauteur de la petite quand il se tenait droit et portait de jour comme de nuit des chaussures de hobbit et un pull ras du coup.
Le second, Ed de Cabidos dit le Naze, était de sexe masculin.
Comme le premier.
Ce qui facilitait les choses au niveau lingerie, les caleçons de travail d’Arturo et de la Fraude, étant juste rentrés du pressing.
Il arborait, lors de l’entretien d’embauche, un gilet à fleurs sur une chemise à carreaux, le tout emballé dans un costume jaune. Ce qui nous a d’emblée conquis.

Le test aurait lieu au restaurant car c’est en mangeant que les œufs se pèlent et que vient l’appétit.

En cette brume de Toussaint, le Comocomo affichait presque complet, seuls quelques tabourets dispersés se dressaient pour nous accueillir.
Nous arrivâmes tous les cinq au détroit externe du restaurant, le béret humble, en présentation céphalique et en position du cercle pour passer inaperçus.
Car au Comocomo, tout était rond. Les prix, les plats bombés et l’ovale du visage des serveurs. Ce qui permettait à un large sourire d’en déterminer le diamètre en se tendant d’une oreille à l’autre du côté opposé au cuir chevelu.

Au Comocomo, tout était rond et basque. Les pintxos sur leurs assiettes colorées déferlaient sur un tapis roulant aménagé au centre de la table. Sept couleurs pour sept sortes de pintxos. Autant de challenges à relever pour nos deux candidats.
Nous prîmes place en cinq points de la salle, reliés par les yeux et par la circulation des espagnoles effluves.
L’examen était déroutant de facilité.
Nous avions opté pour un test de maniabilité et de discrétion dans un décor dénué de toute agressivité, tel que l’était celui de l’endroit, sobre, minimal, sa blancheur étant relevée par le bois du mobilier et l’arc-en-ciel des mets.
Il s’agissait pour nos futurs éventuels collègues d’assembler une arme démontée et dissimulée dans sept assiettes de couleur différente, chaque pièce remplaçant astucieusement la nourriture sur l’assiette remise en circuit. La séquence d’arrivée des composants était déterminée par une simple équation du 53e degré dont la connaissance était indispensable à ce niveau de professionnalisme.
Une culasse de colt python vint remplacer sur une assiette jaune, un délicieux pintxo au manchego, son canon, des champignons à l’huile à la truffe, sa gâchette, une succulente brochette de bœuf argentin, une balle, une tortilla aux piments basques. Tout aurait été pour le mieux si Millesoupirs ne s’était pas senti, pour une fois, d’humeur facétieuse. Ce n’était pas vraiment nécessaire de mélanger des pièces de colt anaconda au python et de derringer au ruger redhawk. On se serait juste contentés d’une dizaine de pintxos et tout le monde y aurait trouvé son compte. Au lieu de quoi, tout y est passé, de la petite côte d’agneau au filet de canard à la marmelade de tomates en alternant par les œufs sur le plat et le riz con leche.
Au terme de 53 assiettes empilées devant nos yeux et d’un nombre identique de verres de txakoli et de cidre des asturies servis le bras levé en statue de la liberté, force nous fut de constater que le chef abruti de fatigue s’endormait sur ses fourneaux et que la salle ne résonnait plus que du bruit de nos mâchoires.
Ash Pévée et le Naze s’étaient rapprochés pour trinquer et exhibaient fièrement ce qui ressemblait à une sorte de lego pour 14 ans et plus dont on aurait perdu les plans de construction.

Ah, la table fut bien bonne avec nous mais ce n’est pas demain la veille que ces deux-là nous prêteront main forte !
Quoiqu’à défaut de perles, on mange des grives.
Et après tout, ce sont peut-être ces oiseaux-là qui nous permettront de passer l’ibère.

Bons baisers de partout.

Agent 53.

Comocomo
Rue Dansaert, 19
1000 Bruxelles
Tél : 02 503 03 30

 

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Episode 41 : « Le Loui »

 

 

Le Loui

 

Certains se sont dits que j’étais morte.

 

Ce fut le cas d’Anathème Moanonplu, espionne camerounaise croisée à un cours de balistique durant l’année 2003  (année du démarrage de mon puzzle de Brad Pitt sous la douche, commencé le 30 septembre 2003, responsable de deux ulcères gastriques, d’un eczéma du poignet et incomplet de 5 pièces primordiales avalées par le chat), de Wesley Rance, un vieil ennemi d’enfance au teint cireux, d’Igor Gasme que j’aimerais revoir, de Pablito Paz à qui je dois la recette de la Margarita, de Vlad Patres à qui je dois la recette du Molotof, de l’adjudant Tellière à qui je dois 10 euros et de ma supérieure acrobatique Ana Mirena à qui je dois montrer mes trous.

 

Certains se sont dits cela mais il n’en est rien.

Je suis là et bien là, resplendissante et prête à reprendre du service après ces semaines de congés égaux.

Institution au sein de notre bureau, le nombre de jours de congé égaux se calcule sur les doigts de la main et au moyen d’une fiche perforée. Par ennemi abattu, un trou, par réseau démantelé, trois trous, par blessure reçue, deux trous pour les organes nobles, un demi pour les bas morceaux, puisqu’un foie, deux reins sont trois bonnes raisons d’utiliser la baïonnette. Et j’en avais fait bon usage !

 

Un Millesoupirs exalté attendait devant ma porte, la boucle en cœur et les oreilles flairant bon la savonnette. En l’absence de ma supérieure cataclysmique, en congé égal, et du colonel parti soigner sa libido, il avait pris sur ses frêles épaules la direction des opérations.

 

J’eus beau prétexter la migraine et quémander une reprise en douceur, la petite lueur ludique qui vacillait dans ses prunelles comme une bougie dans une citrouille, me fit comprendre qu’il valait mieux me soumettre. Et subir les assauts de son engin de la mort. Malgré mon appréhension, c’est avec infiniment de grâce que je m’encastrai dans son pocket roadster, alors qu’il se laissait tomber lourdement derrière le volant.

Chemin faisant, il me dressa un topo incompréhensible, attachant plus d’attention à maintenir ses roues gauches dans le rail du tram qu’à me décrire la situation. Satisfait de son petit willing urbain, il confia sa matchbox au voiturier, lui lançant les clés dans un geste à la Belmondo, plus probant en veste de cuir qu’en peau d’ours.

 

Le Loui, lui aussi, s’était rasé de près et sentait bon l’eau de Cologne. Accueilli avec componction par un maître d’hôtel maniéré, nous prîmes place dans un vaste salon aux coussins rebondis.

Ne dis rien et tais-toi, m’enjoignit le pilote de rallye, sous peu, les choses vont se corser. Joignant le geste à la parole et sortant du talon de ma botte, du fil blanc et une aiguille, je fis bouche cousue. En fait de se corser, la sauce avait du mal à prendre et l’ours jetait des regards circulaires, circonspects et circonvenus par-dessus son épaule. Gardant un calme simulé, je résistai à de similaires coups d’œil circonscris et m’abîmai dans une réflexion circonstanciée. M’avait-il traînée dans cet endroit uniquement pour faire valoir ses talents automobiles ? De retour de vacances, je tenais à justifier mon salaire horriblement élevé par autre chose que la dégustation d’un campari au faux vrai jus d’orange !

 

Au moment de passer à table, la charmante scène constituée par nos voisins convives me redonna du cœur au ventre.

En effet, la salle ressemblait à un tableau d’Agatha Christie si ce n’était à un roman  de Léonard de Vinci.

 

Au centre de la pièce, un lustre grandiose apportait à la décoration loungement actuelle une petite note surannée. Sous le lustre et probablement sortis d’une ruelle napolitaine, quatre hommes aux cheveux de jais et à la veste rayée entrebâillée sur un objet noir brillant, enroulaient des tagliolini frais aux asperges entre deux syllabes rocailleuses.

A droite, un groupe disparate discutait des mérites d’un pseudo médicament. Un petit individu hautement suspect et revêtu d’un costume du dimanche menait la conversation codée, usant avec éloquence de termes savants. Sous le couvert d’activités médicales, un deal s’organisait.

A gauche, deux hommes venaient de tendre leur pardessus gris et leur feutre mou au maître d’hôtel. A leur côté, une créature sulfureuse jetait des volutes de son fume-cigarette en nacre.

 

Je dardai sur Millesoupirs des yeux clignotant d’alarmes sonores. Mais le brave était plongé dans la carte des eaux, pataugeant parmi les grands crus minéraux, tout à fait imperméable à mes avertissements.

Le sashimi de thon rouge, bien que péchant par manque d’originalité, tenait toutes ses promesses. Ainsi que le bar de ligne, ses aubergines et son jambon serrano. Ce ne fut pas le cas de l’ours des villes passé sur le grill et saupoudré de piments frais. Il se révéla incapable de répondre à mes attentes.

Arrivé à point, le parfait glacé de céleri, tequila et citron vert eut enfin le mérite de lui rendre vie et don de la parole.

Misère de malheur, point de mission, point d’action, point de rencontre secrète, point de balles qui sifflent  ! Il ne m’avait conviée ici que pour me parler de sa naine qui avait réussi l’examen d’entrée au GIGN. Gonflant de fierté et coulant de verve, il m’expliqua combien la face du monde allait changer depuis que la gosse avait rejoint le Gang Imaginaires des Gamines Niaises.

 

Espions de tous pays, tendez vos mains meurtries.

Jetez vos armes, faites du monde un paradis car lorsque la joie couvrira ses prières, vous aurez droit à votre éternité !

 

Bons baisers de partout.

 

Agent 53.

 

Le Loui

Avenue Louise, 77

1050 Bruxelles

Tél : 02 542 47 77

 

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Episode 40 : « L’Auberge Saint-Martin »

 

Auberge St-Martin

 

J’ai bien cru que l’agent 53 bis ne pourrait jamais se remettre mais au bout de deux semaines d’hébétude, elle fut de nouveau sur pied de poule.

Certes, elle avait pâli, perdu puis repris un kilo mais je retrouvais enfin ma pocket spy, le front haut, le menton fier et le sein arrogant. Ah, comme j’aimais ça ! Pour peu, on aurait dit moi, dans mon jeune temps, au retour triomphal d’une mission triomphante, quand devant la glace et dans la plus stricte intimité, je ceignais mon front d’une couronne de lauriers méritée.

 

Un événement important s’était produit au bureau m’empêchant de mener à bien la moindre mission. La mise à pied, pied de cochon, cochon de ferme, du félon La Fraude fut décidée modifiant la cinétique de notre petite entreprise. En effet, preuve était faite de la part active que le malhonnête avait prise dans l’abominable rapt dupant la pauvre enfant afin de profiter de sa personne dans des circonstances obscures et liées à un probable marché noir de somnifères avant de l’abandonner à un réseau de constitution slave.

 

J’étais occupée à épiler quelques poils rebelles quand un message me parvient. Nos collègues français avaient repéré un point noir à Kientzheim. Après passage au sérum de chasteté, la missive codée révéla qu’aurait lieu la nuit prochaine en Alsace, un largage de bombes miniatures d’une puissance effroyable. Et ce à minuit précise, au point G du petit village. Elles étaient contenues dans des boîtes de bonbons des Vosges et l’avenir de la planète était en jeu. Tout cela contenu en une phrase anodine.

Décidant que c’était le moment ou jamais de remettre la traumatisée en selle, je l’emmenai de force avec moi dans la course contre la montre.

 

Notre contact nous attendait à l’Auberge Saint Martin, sympathique établissement où nous pûmes reprendre vie après la route et avant l’affrontement.

Phileas Blancas était une force rude de la nature. Gamin des champs, il s’était trouvé une passion de démineur en culottes courtes en sillonnant le vignoble en quête de grenades de la seconde guerre mondiale. A l’âge de 10 ans, il fut décoré du mérite agricole pour avoir découvert 53 fois son poids en mines diverses, protégeant ainsi la vigne de la pire des calamités.

Pour tromper l’attente, Phileas, qui mangeait maintenant 53 fois son poids en flammekueches en l’espace d’un mois, s’était déjà attelé à la tâche. A sa mine joviale, malgré la mission périlleuse, on pouvait déduire que le robuste personnage avait déjà bien entamé son quota menstruel.

Nous ne pûmes qu’admettre que jamais nous n’avions dégusté pareil délice. Dégoulinantes de crème aigre, de lardons croquants, d’oignons émincées et accompagnées d’un merveilleux Pinot Noir 1993 du domaine Blanck, elles faillirent nous faire oublier l’heure fatidique. Il faut dire qu’en plus de la succession folle des tartes léchées par la flamme, l’accueil des deux patronnes fut inoubliable. Jolies femmes énergiques ne ménageant pas leur effort, elles avaient, outre la particularité d’être d’une gentillesse incroyable, celle d’être parfaitement identiques, en vraies jumelles qu’elles étaient. A tel point qu’on ne savait plus si l’on devait multiplier ou diviser par deux le nombre de quartiers engloutis avant de se dire qu’il était temps d’y aller.

 

Ragaillardies et pilotées par l’homme du grand cru, nous prîmes la direction du Furstentum, où la partie devait se jouer.

Parvenus dans la vallée du Kaysersberg, nous abandonnâmes notre véhicule, préférant couper à pied par le vignoble afin de surprendre nos adversaires par surprise.

 

Minuit moins dix. Aucune trace de l’ennemi. Me voyant grelotter, Blancas me couvre les épaules d’une veste arrivant juste à point mais presque jusqu’aux genoux. Dans le silence, l’attente et la veste pèsent. Je prie le ciel que quelque chose se passe sous peine de voir notre hôte, souffrant d’une propension à la causerie assez développée, nous conter en détail l’histoire des cailloux de la région.

Un vrombissement. Dans la pâle clarté lunaire, se profile un biplan. Une centaine de mètres devant nous, une fusée éclairante illumine le vignoble nous indiquant la cachette de l’adversaire et déjà les bonbons des Vosges s’échappent de la carlingue. Trop loin pour que nous les interceptions les premiers.

D’un regard circulaire jeté à 360 degrés centilitres, j’aperçois notre sauveur. Garé sur le bas côté, un tracteur enjambeur nous attend. Le temps d’y penser, je prends d’assaut l’engin tandis que 53 bis se plaque sur la jambe gauche. Filant plein pot entre les rangées de Riesling, nous avons vite fait de nous placer à distance de tir. Il y a deux individus. Tirant sans discontinuer, la petite manque cependant ses proies, m’obligeant à lâcher le volant pour lui prêter main forte. Je ne rencontre hélas pas plus de succès et bientôt, la culasse de mon Glock résonne contre le vide de l’absence de munitions manquantes.

Faisant alors les poches de mon bon samaritain, je découvre un petit Uzi des vignes, modèle dont la poignée en forme de cep s’articule parfaitement dans ma menotte. D’une rafale, une seule, tirée sous la ceinture, je viens à bout des deux hommes.

 

Toujours vivants mais en  bien triste état, ils gisent maintenant dans un foudre vide, raclant le tartre de leurs ongles meurtris.

Nous déciderons de leur sort plus tard, car ici, dans la cave, il y a quelques bouteilles de Schlossberg qui ne demandent qu’à être de la fête et foi d’espionne, il n’a pas meilleure occasion de les déguster que le front ceint d’une couronne de laurier.

 

Bons baisers de partout.

 

Agent 53.

 

Auberge St-Martin

80, rue de la Liberté

67 600 Kintzheim

Tél : 0033 3 88 82 04 78

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Episode 39 : « La Porte des Sens »

 

La Porte des Sens

 

Deux semaines maintenant qu’elle avait disparu.

 

Ma poursuite à la sortie d’Orphyse Chaussette n’avait malheureusement donné aucun résultat.

Le ravisseur, la ravissante vissée sur l’épaule, avait filé sur une trottinette, l’abandonnant une rue plus loin au profit d’une moto que je vis s’engouffrer dans une camionnette qui elle-même stoppa sa course au fond d’un poids lourd piaffant dans la rue initiale. Les moyens mis en œuvre étaient considérables et le plan astucieux. Le carré était classique dans la défense romaine, le carré de valets à la belote m’avait toujours donné des frissons, le carré d’agneau de Sisteron à la provençale était sans rapport mais la poursuite au carré impliquant quatre véhicules sur quatre rues avec retour au point de départ n’avait jamais été évoquée dans les manuels. Même pas dans les épisodes récents sans Sylvia. De quoi justifier mon triste échec et mes nuits sans repos.

 

Deux semaines maintenant qu’elle avait disparu.

 

Où que je me tournasse, je ne trouvai qu’interrogations et nulle réponse à mon angoisse.

La seule information avait été fournie par l’analyse des traces corporelles. La sueur déposée sur son sous-main, les squames dans son soutien et les effluves parvenant chez ses voisins ne faisaient aucun doute. Ma 53bis, mon bras droit était sous l’emprise de la drogue. De son propre chef, je ne voulais le croire. On la manipulait. Mais pourquoi, pourquoi ?

 

Deux semaines maintenant qu’elle avait disparu.

 

Alors que je pestais comme un ours en cage, martelant les murs de mon grand front intelligent, un fœtus de piste me fut apporté par un ours en nage.

Millesoupirs, de retour d’un rendez-vous brûlant dans les milieux interlopes, me ramenait des renseignements de poids. Mon ami aurait vendu père et mère au diable, son âme et même sa peau pour mettre la patte sur la naine. Respectant la règle de neuf du silence tacite, je ne voulus pas savoir grâce à quel commerce licencieux, il avait obtenu la preuve par neuf de sa détention par un réseau de constitution slave. Bombant l’abdomen avec fierté, il m’annonça que bientôt la traite des clanches allait sonner le gras de la défaite.

        

Deux semaines maintenant qu’elle avait disparu.

 

Mais, là, derrière cette porte des sens, tout devait normalement en reprendre un. Dernier pour la route.

Nous étions samedi soir sur la terre et formions un couple exquis, l’ours et moi. Tandis qu’il dissertait gravement avec la patronne des mérites du corset victorien ainsi que des agissements des forces de police au cœur de la nuit, je m’avançai dans la salle.

Une musique agréable invitait à la détente. La pièce était grande, agrémentée d’un piano à queue, d’une piste de danse, d’un bar et de tables réparties le long des murs. Tandis que je progressais vers les rafraîchissements, mon œil fut attiré par une scène de vie pittoresque diffusée sur l’écran d’une T.V. L’ambiance semblait être à la décontraction et de ci de là, quelques couples se témoignaient des marques d’affection bon enfant. Je me laissai aller à grignoter avec enthousiasme les tapas proposés à volonté. Seul le poil de l’ours tire-bouchonnant dans le sens anti-hors logique, signe de danger ou de pluie récente, me remit du plomb dans la cervelle.

Nous commandâmes. Et c’est sur nos gardes, le regard aux aguets par-dessus nos pâtes à la dijonnaise, que nous réfléchîmes au plan d’attaque.

Concentrée sur les explications fourbies par mon collègue quant à la disposition des pièces à l’étage et sur les possibilités de se dissimuler derrière une tenture, dans un jacuzzi ou dans une voiture (qu’il avait préférée dans sa reconnaissance de la semaine passée), je ne vis pas de suite l’attroupement sur la piste de danse.

Dans cet établissement, les normes de sécurité les plus strictes étaient respectées. Ainsi, on trouvait sur cette piste, une barre métallique verticale, destinée à rendre plus facile la fuite des pompiers devant l’incendie.

Pour l’instant, pas de pompiers. Or, le feu couvait.

Enchaînée à la barre, la petite, méconnaissable dans sa jupe de latex et ses cuissardes, était à la merci de tous les regards. Lui faisant face, un sinistre individu la menaçait d’un fouet. Responsable de son écolage, je savais qu’un tel supplice, même rendu sur la place publique, ne lui extirperait pas une parole.

A moi, par contre, il arracha un violent hurlement de sommation à l’encontre du persécuteur. Sautant de mon tabouret sans me tordre la cheville, je fondis sur l’ennemi toutes griffes dehors. Le voyant reculer sous la force de mon attaque et à la vision du Glock 17 qui s’était matérialisé dans la main de Millesoupirs, je m’empressai de libérer la frêle enfant.

 

 

Deux semaines pour la retrouver.

 

Dans la voiture, qui crisse de tous ses pneus, quatre au bas mot, dans les petites rues du quartier, je range toutes mes questions dans mon sac à main, remettant à plus tard le comment du pourquoi.

Elle est vivante, et hormis son air hagard, semble en bonne santé.

Comme il est malheureux que les pourris prolifèrent sur cette terre, car, l’un dans l’autre, la Porte des Sens aurait bien valu qu’on s’y attarde quelques heures de plus.

Parce qu’à la carte, entre autres choses alléchantes, il y avait aussi des poissons fumés et des sushi. Mon péché mignon.

 

Bons baisers de partout.

 

Agent 53.

 

La Porte des Sens

Rue de l’hectolitre, 5

1000 Bruxelles

Tél : 02 513 21 23

 

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Episode 38 : « Orphyse Chaussette »

 

 

Orphyse Chaussette

 

Cela devait faire plusieurs jours que cela sentait mauvais. Difficile de préciser quand l’évidence d’une catastrophe imminente s’est imposée à mon cerveau, probablement au moment où elle eut lieu, rares sont ceux qui peuvent s’enorgueillir d’un sixième sens comme le mien, mais le fait est que, depuis trois semaines, tout allait de travers.

 

Tout avait commencé par la découverte d’un tiroir fermé à clé par 53bis, clé qu’elle tenait lovée entre ses deux seins aux côtés d’une médaille de Saint Christophe. La chose m’avait choquée, pas la médaille, bien elle n’ait pas été bénie, ni les seins, bien qu’ils ne soient pas bien gros, mais bien sa volonté de dissimulation.

Autre fait inhabituel, la petite s’éclipsa à plusieurs reprises dernièrement, prétextant un rendez-vous urgent chez son gynécologue.

Enfin, elle reçut différents colis. Ces derniers passés aux rayons hips ne révélèrent rien de suspect. Ils inertes sur les plan bactériologique, toxique, nucléaire et sexuel, plutôt petits, d’une quinzaine de centimètres et en papier. Si j’avais pu faire taire ma suspicion, je n’y aurais vu que des enveloppes, mais ce n’était pas à une espionne trentenaire qu’on apprend à flairer le danger. Emportant les mystérieux objets, elle prit le pli de les déballer aux toilettes, les mains invisibles dans l’enceinte de la cuvette, seul endroit caché aux caméras, hormis le dessous du bureau de notre supérieure hypnotique, la sensuelle Mirena.

 

Quoique alarmée au plus haut point par l’attitude de ma protégée, j’avais masqué mes inquiétudes derrière mes quarante-quatre dents, jugeant qu’il fallait mieux tirer l’histoire au clair avant de condamner.

 

Ce matin, je la trouvai déjà au travail, l’air guilleret, le regard malicieux à une heure où son réveil n’a normalement pas encore ouvert l’œil.

Elle avait troqué ses baskets et sa veste de rockeuse contre une mini-jupe, des bas et des talons aiguilles. Elle avait même osé le parfum et le trait de crayon sur les paupières. Eblouie, je ne pus que m’asseoir, plongeant dans le café qu’elle m’avait gentiment préparé pour retrouver le câble de mes idées.

 

« Ma chef adorée, adulée, admirée, adjugée et avisée, si nous allions manger ensemble ce midi ? On m’a vanté un bel endroit, qui te plaira sûrement, ma chef affamée, acidulée, accolée et attachée. »

Que dire sinon oui, devant tant de vérité ?

 

J’ai craint, le temps d’un battement de cils, que notre biplace de poche ne s’encastre sous un camion, à la faveur d’une manœuvre rendue délicate par le port de chaussures de femme. Il n’en fut rien, elle s’en tira d’une pirouette et s’éjectant de son siège d’un bien beau coup de rein, elle partit à l’attaque d’Orphyse Chaussette, battant fièrement bannière du bonheur.

 

L’endroit était petit et on devrait, en s’y prenant bien, réussir à étaler sur le sol la douzaine de mouchoirs requise dans tout troupeau de mariage mais sûrement pas la nappe pour le banquet de quarante personnes. Mais après mon expérience de passagère escamotée, où je dus garder les genoux à hauteur des oreilles, ce qui m’empêchait heureusement d’entendre les crissements de pneus, même un placard à balai m’eut convenu ! L’endroit était intime, donc et les murs en trompe-l’œil lui apportaient tout le volume nécessaire à la bonne compréhension d’un repas réussi.

La carte était alléchante et pour peu j’en oubliai mes préoccupations quant à ma vis-à-vices.

Préférant la laisser babiller, je me lançai dans la dégustation d’une cuisine étonnamment fine et élégante, contrastant vivement avec l’état de surexcitation étonnamment brut et bruyant de la petite.

La voyant oublier son assiette au profit d’une emphase confuse, je terminai son tartare de thon, étonnamment simple et savoureux et contrastant vivement avec tous ceux que j’avais rencontrés dernièrement.

 

Je tentai de la questionner à propos de son attitude mystérieuse, des missives secrètes mais rien de cohérent ne franchit ses petites lèvres.

«J’irai au bout de mes rêves. Tout au bout de mes rêves.»

Essayant d’en savoir davantage, j’usai de toute ma patience, feignant, pour ne pas mettre ses rêves sous pression, de me concentrer sur un canard au chocolat, étonnamment époustouflant.

 

Jusqu’à ce que tout bascule et que la raison s’achève. Dans un bruit violent, s’ouvre la porte à toute volée, livrant passage à un individu masqué, de noir vêtu et déterminé lui aussi à aller jusqu’au bout de ses rêves à en croire les calibres dont il nous menace.

D’un geste, il soulève les quarante kilos ébahis, se les glisse sous le bras, faisant fi des petits poings qui martèlent le vide et emporte son larcin, renversant les tables derrière lui pour gêner la poursuite.

 

Bondissant par-dessus les meubles, les mouchoirs, les flots, je m’envole à la rescousse de mon bras droit mais néanmoins amie, négligeant de saluer le chef de sa cuisine accouru, par le bruit alerté.

Mais je reviendrai c’est promis, ne fut-ce que pour honorer mes dettes et le remercier du moment de beau temps avant la tempête.

D’ici quelques minutes tout au plus, juste le temps de mettre la main sur cette crapule et de lui faire rendre gorge et 53bis !

 

Bons baisers de partout.

 

Agent 53.

 

Orphyse Chaussette

Rue Charles Anssens, 5

1000 Bruxelles

Tél : 02/502 75 81 

 

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