Episode 2 : « Les Armes de Bruxelles »

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Les Armes de Bruxelles

 

Le soleil n’était pas au rendez-vous. La chance non plus. Je venais juste de me matérialiser à côté du «  gisant «, sortie secrète de notre passage secret qui court sous le centre ville.  J’avais bien  envie d’écarter la masse des touristes d’une rafale de  Double Eagle  mais comme je sais me tenir je n’en fis rien et poursuivis mon errance sur les pavés humides de la grand-place.

 

Oui, j’aurais pas dû. J’ai voulu faire la maligne et gagner sur les deux tableaux mais je me suis plantée magistralement et maintenant dieu seul sait où sont les plans du  Falloscope Comprimé Nucléaire.

 

Ne pas se laisser aller. Répondre à ses instincts primaires de chasseuse. D’abord se sustenter. On y verra plus clair après.

Les Armes de Bruxelles, un classique qui ne déçoit jamais et où je peux garder la mienne dans mon petit sac Gucci sans crainte. Sa façade classée me rappelle que jusqu’à présent et malgré mes récentes mésaventures, je demeure une espionne de classe internationale (au risque de rétrograder en classe C4, mais je n’ai pas dit mon dernier mot). Je me surprends à rêver de ce quartier de l’îlot sacré où ma grand-mère tenait en respect et à la pointe du couteau les truands de la pire espèce.

 

« Bonjour, mademoiselle Hilde (ici, ils ne me connaissent que sous un de mes pseudos), resplendissante comme d’habitude (tu parles, si tu savais les insultes que cette vipère de Ana Mirena m’a lancées à la tête, tu te tairais), votre table habituelle ? »

 

Non, cette fois, je vais opter pour une petite table isolée du Bodega, histoire de ne pas me laisser aller au spectacle des badauds en ribaude. La grande salle, ses tables disposées régulièrement, ses nappes blanches impeccables, tout ce charme d’antan me laissent à cet instant un peu indifférente. Comment ai-je pu croire que l’adjudant Dinement pourrait me semer dans les ruelles de Forges-les-Os malgré sa boiterie ? J’étais à deux doigts (et c’est peu dire) de réussir si cette canaille ne m’avait prise de vitesse pour embarquer in extremis à bord de « La Vigoureuse » battant pavillon de banlieue.

 

Le sourire aimable et empreint de sympathie pour toutes mes misères du serveur (entre professionnels, on se comprend) me font un peu quitter toutes ces réflexions déprimantes. « Je vous fais confiance, cher ami. Bien que vous la voyiez, je n’ai pas toute ma tête aujourd’hui. »

Comment font-ils pour rester toujours aussi accueillants et attentionnés au souhait du client ? Dire qu’ils en voient défiler ici, des Japonais en mal de photos, des Russes en mal de dentelles, des rustres en mal de bonnes manières mais ils les traitent toujours avec la même courtoisie qu’il s’agisse d’une adorable et irrésistible agent secrète ou d’un vulgaire agent de change.

 

Peu à peu, une heureuse torpeur mêlée à un sentiment rageur de revanche m’envahit.

Les bienfaits de ce délicieux turbot sauce mousseline et de ses pommes de terre nature opèrent leur magie sur mon petit corps meurtri et mes neurones ragaillardis par cet excellent poisson, cuit juste comme je l’aime, ni trop ni trop peu, mettent le doigt (même deux) sur la solution.

Dès après mon café (et même deux, comment résister ?), j’irai trouver la belle Ana et elle usera de toute son impitoyable influence de chef erratique pour me fournir les moyens nécessaires à la victoire.

 

Ah, par Saint Ratatata, patron des pistoleros, la vie est belle et demain sera le jour de mon triomphe et c’est avec un sourire éclatant découvrant mes quarante-quatre légendaires dents que je remercie le ciel et les Armes de B. d’avoir pu me redonner vie en deux coups de cuillers à mille saveurs.

 

Bons baisers de partout.

 

Agent 53

 

Les Armes de Bruxelles

Rue des bouchers, 13

1000 Bruxelles

Tél : 02 511 55 98

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